Pour les Américains, le soleil est associé depuis de longues années aux dommages cutanés. En Asie, notamment au Japon et en Chine, la peau blanche est ancrée dans les mentalités ; la peau laiteuse est un des critères de beauté les plus sollicités. Les Japonaises sont très prudentes face au soleil ; en été, elles veillent à rester à l’ombre. En France, l’art de bronzer relève de notre histoire culturelle.
Le bronzage, un sujet futile ? Qu’on se détrompe… Il est aujourd’hui un sujet scientifique pour les historiens qui se penchent sur la question : être hâlé ou ne pas l’être ?
Bronzer, ça veut dire quoi ? Selon le dictionnaire, le bronzage désigne l’action de recouvrir un objet d’une couche imitant l’aspect du bronze. Dis comme ça, on hésite à aller étendre son corps sous le soleil. Alors comment est née cette mode du bronzage en France ?
Le bronzage est une invention récente, que l’on peut dater des années 1920 et qui atteindra son apogée une quarantaine d’années plus tard. De Coco Chanel à Brigitte Bardot, voici une petite histoire du bronzage en France…
Coco Chanel bronze à Deauville
Les historiens ont développé plusieurs explications sur la naissance de la mode du teint hâlé en France. La première et la plus répandue est celle de la généralisation des congés payés en 1936. À cette même date sort dans le commerce un produit phare, l’Ambre Solaire. Celle-ci naît de l’idée d’Eugène Schueller, le patron de L’Oréal.
Eugène pratique la voile au large des côtes bretonnes et attrape des coups de soleil sur son bateau. Il essaie alors plusieurs huiles disponibles dans le commerce mais aucune ne le satisfait. En tant que bon chimiste, il travaille dans son laboratoire différentes huiles (olive, arachide, coco, vaseline) comme écran solaire. En 1935, les laboratoires de L’Oréal mettent au point une huile additionnée d’un film protecteur. Baptisé “Ambre Solaire”, ce produit est d’abord commercialisé sur la Côte d’Azur à l’été 1935, avant d’être vendu dans toute la France en 1936, lors des premiers congés payés. C’est un succès éblouissant, devenu produit culte.
Voici la première piste explicative de la mode du bronzage mais une autre est esquissée par les historiens et serait encore plus ancienne…
La date de 1936 paraît trop tardive puisque la question être ou ne pas être hâlé est déjà un sujet de débat dans le magazine Vogue en 1928. Dans les années 1920, arrive Gabrielle Chanel à Deauville. Coco avec ses vêtement fluides s’expose sous le soleil normand. Scandale absolu. À cette même époque, Jean Patou, couturier et créateur de parfum, concurrent de la maison Chanel, crée une huile bronzante, l’Huile de Chaldée ; on est en 1927.
BB bronze à Saint Tropez
Été 1956, Brigitte Bardot tourne le film “Et Dieu créa la femme…”, dans lequel le spectateur la découvre danser vêtue d’une robe dévoilant ses jambes bronzées. À nouveau, scandale absolu. Le film connaît un succès phénoménal ; et toutes les Françaises veulent ressembler à B.B.
Année 1962 : Ursula Andress est la James Bond Girl de 007, alias Sean Connery. On se rappelle tous de la silhouette d’Ursula sortant des eaux dans son bikini. Mythique. Le bikini prend définitivement ses quartiers d’été sur les hanches des Françaises, prêtes à dorer sous le soleil méditerranéen, comme Romy Schneider et Alain Delon, bronzés et sensuels dans le film “La piscine”, à l’été 69. Une vague de libertés balaie la France.
Ensuite, on lézarde…
Années 1980 : Sea and sun. Le topless est sur toutes les plages. On se dénude, on se dore la peau et on cherche par tous les moyens à accélérer son bronzage : monoï, huiles, auto-bronzant… À bas les démarcations ! Et pour être bronzé avant la plage, les cabines à UV sont prises d’assaut. Avoir le teint hâlé toute l’année est la parure sociale de la réussite ; alors l’hiver on part loin, se faire dorer sous les Tropiques, pour avoir bonne mine à Noël.
1990 : le soleil devient danger
Voilà ce qui vient gâcher le plaisir… Quarante ans de bronzage à tout-va et les premiers chiffres tombent : le nombre de mélanomes a triplé entre 1980 et 2000. Entre excès de soleil artificiel et exposition sans protection adéquate, la courbe des cancers cutanés explose.
2010 : changement de mode… La bronzette est désuète
Aujourd’hui, il faut préserver son capital soleil dès le plus jeune âge. On nous exhorte à porter des vêtements anti-UV, à pointer sous le soleil selon certains horaires. Frire au soleil relève désormais de l’irresponsabilité. Ça tombe bien le teint diaphane est de retour, le nude est à la mode ; on dit adieu aux bronzés.